Étrange Festival 2014 : compétition internationale.
Il faut saluer l’ambition d’Andreas Prochaska qui aura voulu pour son cinquième film un bon petit western enneigé au milieu des Alpes. Sur les traces de Corbucci et Peckinpah, le réalisateur autrichien s’essaie à ce genre en accumulant autant de qualités que de défauts. La faute à une dernière partie à laquelle il manque clairement la sobriété et l’application du reste du long-métrage.
Genre dépérissant et quasi abandonné, le western reste tout de même un champ d’expérimentation fascinant dans lequel d’autres univers peuvent s’y associer. Que les États-Unis soient les seuls dépositaires de ce genre est une idée fausse et, cette année encore, une production européenne compte nous prouver le contraire. Il s’agit de The Dark Valley d’Andreas Prochaska, un petit western autrichien qui ne manque pas d’ambition. Oui, ce long-métrage n’est pas seulement autrichien dans la production, il l’est aussi dans son histoire en plantant son décor dans le massif alpin, changeant nos habitudes des vastes plaines fertiles et des déserts ocrés américains. Le gris du relief escarpé à l’ombre de la pinède d’automne laissera la place au manteau blanc d’un hiver de la fin des années 1800, avec ce fameux étranger qui compte crécher un temps dans un village paumé à flanc de montagne.
Touchant aussi bien au monde de la télévision, le réalisateur Andreas Prochaska en est à son cinquième long-métrage avec The Dark Valley. Posant sa caméra pour mettre en valeur ses décors naturels et construits pour l’occasion dans son ouverture, il donne assez bien l’impression d’avoir compris les rudiments essentiels du western, dont la nature impose un intelligent travail de mise en scène. Si l’on comprend bien que la venue de cet étranger américain dans ce coin reculé de l’Autriche tient de motivations encore cachées au départ, le scénario pèchera par une trop grande confiance en sa lisibilité. Ainsi, les quarante premières minutes parsemées de flous et des non-dits volontaires feront s’attarder le spectateur à s’interroger sur certains détails et lui empêchera une compréhension naturelle de l’histoire. Les réponses viendront plus tard, mais la recherche d’imposer un grand mystère aura poussé The Dark Valley à la faute plus tôt que prévu.
Car pendant ce temps là, il n’y a pas à redire. Que cela concerne le casting, la mise en scène, la photographie, Andreas Prochaska tient bien son western qui se monte les pieds dans la boue. Sam Riley qui tient le rôle de ce photographe américain incarne très bien cette force tranquille qui attend le bon moment pour exploser. The Dark Valley réussit très bien à imposer une tension allant crescendo, rien qu’en se limitant à des jeux de regard. La scène la plus marquante restera très certainement la première mort “involontaire” de l’un des villageois, perdue dans la brume sur un parcours de troncs d’arbre fraichement coupés. Et lorsque la neige vient recouvrir tout ce petit monde, on ne peut s’empêcher de repenser au Grand silence de Sergio Corbucci qui faisait s’affronter Jean-Louis Trintignant et Klaus Kinski. Évidemment, la comparaison avec ce chef d’œuvre serait injuste pour l’ambition affichée par Andreas Prochaska.
Malgré tout, on ne peut se détourner de lourdes fautes de goût commises dans le troisième acte. La première et plus terrible sera l’emploi d’une chanson pop en pleine fusillade au ralenti, qui allait en direction du style Peckinpah. Amorçant une déchéance à suivre, cette erreur musicale monumentale rappelle à la composition originale de Matthias Veber, amorçant subtilement sur du Nick Cave pour finir dans la soupe zimmerienne du générique de fin. Plus rien des vingt dernières minutes ne sera en phase avec ce qui avait été bâti dans le reste du long-métrage, comme si le final de The Dark Valley provenait d’un autre film. Cela ravive également la perplexité vis-à-vis du prologue. Séquence d’introduction qui s’avèrera inutile au bout du compte avec des flashbacks mal dosés et la voix trop omnisciente du personnage féminin qui nous comptait cette aventure très séduisante.